« Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour beaucoup de choses. Une seule est nécessaire. » (Luc 10.41-42)
Cette parole de Jésus ne s’adresse pas seulement à Marthe : elle interpelle chacun de nous. Combien de temps perdons-nous à courir après ce qui ne nourrit pas vraiment notre coeur ? Nos journées sont souvent saturées. Les notifications s’enchaînent, les obligations s’accumulent, les préoccupations se superposent. Dans ce tumulte, il devient difficile de discerner ce qui est vraiment essentiel. Pourtant, l’Évangile nous rappelle que Dieu ne se trouve pas dans l’agitation, mais dans la simplicité d’un coeur disponible.
À CONTRE-COURANT
Être libéré(e) de ce qui m’encombre ou me pèse, et me trouver ainsi disponible pour ce qui compte vraiment : qui n’en rêve pas ? Réduction du temps de travail, équipements électroménagers, démarches en ligne… rien n’y fait : nos vies demeurent plus encombrées que jamais, à l’image de nos maisons envahies d’objets de toutes sortes. Dans une société d’abondance où tout va très vite, vivre simplement et paisiblement est un rude défi ! Mais si l’enjeu est de recréer un espace à la voix et à l’action de Dieu, alors il vaut la peine d’être relevé.
Le grand angle de ce numéro propose des pistes pour réfléchir et s’inspirer. Une prise de recul sur nos comportements consuméristes (p. 11) ou des choix de vie plus radicaux (p. 10) : à chacun de trouver sa voie. En ayant conscience que, telles les mauvaises herbes qui envahissent de nouveau le champ (p. 8), le trop-plein revient vite si l’on n’y prend garde !
UN COEUR DISPONIBLE
Désencombrer sa vie, c’est faire le choix de lâcher toutes ces choses devenues des fardeaux inutiles : les biens matériels qui nous possèdent plus que nous ne les possédons, les activités qui nous dispersent, et les inquiétudes qui nous entravent.
C’est aussi apprendre à dire non pour pouvoir dire oui à Dieu et à ceux qu’il met sur notre route.
Alors, prêt(e) à relever le défi ?
Sylvie KREMER
rédactrice
NDLR : Une journée de formation à l’écriture avec la journaliste Marie Lefebvre-Billiez aura lieu samedi 7 mars 2026 à l’église de Strasbourg-Illkirch. Organisée par les Éditions mennonites, elle sera ouverte à tous : réservez cette date !
Plus d’informations à venir.
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L’église MLK de Créteil où a été tournée une grande partie du reportage.
UN REPORTAGE SUR LES ÉVANGÉLIQUES SUSCITE L’INDIGNATION
La diffusion le 25 septembre 2025 par France 2 – chaîne du service public – d’une émission Envoyé spécial intitulée « Évangéliques : un succès pas si angélique ? » a suscité de vives réactions. La Fédération protestante de France (FPF) et le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) dénoncent un reportage caricatural qui assimile l’ensemble du mouvement évangélique à des pratiques sectaires et conservatrices. La FPF a exprimé « sa vive préoccupation face à des méthodes journalistiques contestables et au risque d’amalgames préjudiciables », tandis que le CNEF parle d’une « attaque manifeste envers le protestantisme évangélique et la foi chrétienne dans son ensemble » et a indiqué préparer un signalement à l’ARCOM. CNEF- FPF
« AIDE À MOURIR » : L’ONU MET EN GARDE CONTRE LES DÉRIVES
Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies a exprimé ses préoccupations quant
à l’impact que la loi française sur l’« aide à mourir », adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 mai dernier, pourrait avoir sur les personnes handicapées. Ce comité d’experts dénonce des critères d’éligibilité reposant sur une vision discriminatoire de la valeur de la vie des personnes handicapées, l’absence d’alternatives suffisantes, la criminalisation de ceux qui tenteraient d’empêcher une euthanasie, ainsi que le délai de seulement deux jours entre la demande et la mise en oeuvre de l’acte. Cette procédure est le résultat d’une pétition déposée par le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), un groupe de juristes chrétiens, auprès de l’ONU. ECLJ
LE RAP CHRÉTIEN, UNE SCÈNE EN PLEINE EXPANSION
Le rap chrétien francophone connaît un fort développement, mêlant les genres drill, trap et gospel tout en détournant les codes du rap urbain. Dans le sillage de l’Afrique francophone où il connaît une large audience, le mouvement se diffuse en France et se professionnalise. Selon le youtubeur Aurélien, spécialiste de la musique chrétienne, « il y a beaucoup de rappeurs qui viennent des quartiers. Ils s’adressent aux gens issus du même milieu et respectent certains codes, mais ne font l’apologie ni de la drogue ni de la violence ». En France, le premier artiste à avoir composé du rap chrétien avec cette esthétique urbaine est Deeboy, un dealer repenti originaire de Villiers-le-Bel (95). Les autres artistes-phares se nomment Kossi, Passa88 ou encore Sonxfgod. ladn.eu
RUSSIE : QUATRE ANS DE PRISON POUR UNE PRÉDICATION CONTRE LA GUERRE
Le 3 septembre 2025, un tribunal de la région de Moscou a condamné le pasteur pentecôtiste Nikolay Romanyuk, 63 ans, à quatre ans d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire et à une interdiction d’administrer des sites Internet. En septembre 2022, il avait déclaré dans une prédication diffusée en ligne que l’invasion de l’Ukraine par la Russie « n’est pas notre guerre » et affirmé que les chrétiens ne pouvaient bénir la participation à ce conflit. Accusé d’« appels publics à entraver l’action des autorités en matière de sécurité nationale », il a déclaré devant le tribunal qu’il n’avait fait qu’exprimer une conviction chrétienne pacifiste et qu’il ne retirait pas ses propos. Cette affaire s’inscrit dans une répression plus large contre des religieux opposés à la guerre. Forum 18
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Distrubution de vivres et de couvertures à des veuves et des orphelins à l’est du Congo.
CAISSE DE SECOURS : VOS DONS FONT VIVRE L’ENTRAIDE MENNONITE
La caisse de secours des Églises mennonites exprime sa gratitude pour la générosité des donateurs qui a permis la réalisation de nombreux projets solidaires cette année, parmi lesquels :
– le soutien aux orphelinats de Kinshasa pour la scolarisation des enfants ;
– en Ukraine, le soutien aux initiatives de « Partir Offrir » et de deux associations locales ;
– le soutien aux actions de MEDAIR au Sud-Soudan et à Madagascar ;
– en partenariat avec Mission Mennonite, le soutien aux femmes et enfants déplacés suite aux conflits en RD Congo ;
– une aide pour une construction en Roumanie, projet de l’association Espérance ;
– le soutien à la construction d’une maternité à l’hôpital Bon Berger de Kinshasa (action de Noël 2024). CdS
LES ÉGLISES DE LORRAINE RÉUNIES POUR UNE JOURNÉE IRRÉSISTIBLE
Le culte annuel en commun des huit Églises mennonites de Lorraine a permis d’organiser un week-end Irrésistible. 150 personnes se sont retrouvées pour louer Dieu avec l’accompagnement musical des LightClubberz. Les messages de David Brown sur le thème « Vous êtes la lumière » ont encouragé les participants à être témoins de Jésus-Christ lorsqu’ils sont ensemble en communauté locale tout comme lorsqu’ils sont dispersés dans leur vie de tous les jours. Il a rappelé qu’une Église en bonne santé est centrée sur l’Évangile, permet d’apprendre à aimer Dieu et les autres, et prend en compte son contexte culturel. Les jeunes ont été revigorés par une soirée avec le comité de la Commission de Jeunesse et leur pasteur. Ces temps de partage ont encouragé chacun ! CoPiL
LA CRP S’OPPOSE À LA MILITARISATION DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ
La Commission de Réflexion pour la Paix des Églises mennonites a exprimé dans un communiqué son opposition à la nouvelle formule de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), désormais marquée par un fort accent militaire (cf. Christ Seul n°1167 p. 3).
Elle dénonce la militarisation croissante de la société et de l’éducation, ainsi que l’absence d’alternative pour les jeunes (la participation à la JDC est obligatoire pour pouvoir se présenter à de nombreux examens et concours).
La CRP demande qu’une possibilité d’objection de conscience aux éléments les plus militaires de cette journée soit ouverte. Elle appelle les responsables politiques, éducateurs, parents et jeunes à promouvoir des valeurs de paix et à oser suivre la voie non-violente du Christ.
Le communiqué est téléchargeable sur le blog des Éditions Mennonites : www.editions-mennonites.fr/blog
CRP
BIENENBERG : UN NOUVEL ENSEIGNANT EN 2026
Clément Blanc rejoindra, à l’été 2026, l’équipe francophone du Centre de formation du Bienenberg. Il succédera à Michel Sommer, qui prendra sa retraite après de longues années de service. Marié et père de deux jeunes enfants, Clément Blanc est actuellement pasteur de l’Église évangélique du Plateau de Saclay (91), qu’il a contribué à implanter en 2019. Ingénieur de formation, il a étudié la théologie à Vaux-sur-Seine, jusqu’à l’obtention d’un Master en 2021. Aimant articuler réflexion théologique et vie d’Église, il est particulièrement attaché à deux aspects de l’anabaptisme : la suivance du Christ, comprise comme une transformation en profondeur de tous les aspects concrets de la vie, et le rôle de la communauté comme lieu de cette transformation. Bienenberg
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Le sens de la peine
Quel regard portons-nous sur les personnes détenues ? La question n’a peut-être jamais effleuré votre
esprit, tant elle semble décalée. L’occasion vous est donnée d’y répondre maintenant, et peut-être
aussi à la fin de cet article.
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Je constate régulièrement que la réponse oscille entre deux pôles, de l’indifférence au mépris, y compris chez les chrétiens. Où qu’on se situe sur cette échelle, on n’est pas, à mon avis, au bon endroit.
« S’ILS SONT EN PRISON , CE N’EST PAS POUR RIEN ! »
« Ce n’est que justice pour les victimes ! » La logique rétributive est bien ancrée dans notre société : les personnes ayant commis un délit doivent payer. Cette logique est alimentée par l’émotion légitime qu’on peut ressentir devant le sort des victimes : « Il faut qu’il souffre pour la souffrance qu’il a causée à d’autres. » Ici, la peine consiste simplement à ajouter une souffrance.
L’indignation suscitée par les activités dites ludiques en détention est une bonne illustration de cette logique : les personnes détenues n’auraient pas le droit de vivre de tels moments.
À se demander si on consent à ce qu’elles vivent, tout simplement…
Les activités maladroitement qualifiées de « ludiques » sont en réalité là pour restaurer l’estime
de soi et permettre d’avancer vers la réinsertion. Ces activités sont un droit prévu par la loi et non une faveur : elles sont absolument nécessaires dans ce contexte évidemment marqué par la privation de liberté, mais aussi par la surpopulation (80 669 détenus, dont 4 310 matelas au sol pour 62 385 places). Ces conditions sont indignes autant pour les personnes détenues que pour le personnel pénitentiaire. Il est bon
de se rappeler que ces personnes réintègreront, pour la plupart, notre société. Dans quel état voulons-nous qu’elles la réintègrent ?
Notre coeur penche naturellement vers les victimes. Nous nous associons légitimement à elles. Si l’émotion pour les victimes est bonne, rappelons-nous aussi qu’elle peut conduire à la haine et à la colère, et finalement à une perception faussée, qui ne prend pas en compte l’ensemble de la situation. Il y a un temps pour l’émotion ; il y a un temps pour la réflexion.
UN AUTRE REGARD
Une personne est rarement en prison pour rien. Oui, elle a commis un acte qui souvent justifie sa mise en détention. Mais il y a aussi un itinéraire qui a conduit cette personne à commettre un délit. Elle ne s’est pas réveillée un beau matin en se disant qu’elle allait enfreindre la loi.
Quand on prend sincèrement le temps d’écouter son histoire, on comprend souvent comment la personne en est arrivée là. En tant qu’aumônier de prison, je rencontre une grande diversité de personnes et d’histoires. En réalité, la frontière qui nous sépare de la prison est bien ténue.
Sans minimiser ce que la personne a fait, il s’agit de chercher à comprendre le chemin qui l’y a menée.
Comprendre n’est pas excuser : l’amalgame est trop souvent fait.
Le récent livre de Paul Gasnier, La collision 1, l’illustre de façon magistrale. Ce jeune journaliste raconte le terrible accident qui a conduit sa maman à la mort : un jeune récidiviste, sous l’emprise de stupéfiant, en roue arrière sur sa motocross, l’a renversée alors qu’elle se rendait à vélo au travail. Dans son enquête, 10 ans après les faits, Paul Gasnier a cherché à en savoir plus sur Saïd, sur son histoire et celle de sa famille.
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1. Paul Gasnier, La collision, Gallimard, coll. Blanche, 21.08.2025.
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Sans nier la responsabilité individuelle de Saïd, il a compris que son histoire, comme un poids, l’a tiré vers le fond. Il a aussi réalisé que la famille de Saïd était aussi victime de ce drame. Ce n’était pas simplement la collision d’une moto et d’un vélo, mais aussi celle de deux mondes aux trajectoires différentes, portant chacun les conséquences de ce drame. Dans sa démarche, Paul Gasnier met en évidence que le délit est d’abord la rupture d’un lien, non seulement avec les victimes, mais aussi avec la famille et plus globalement avec la société. Il n’est pas simplement une transgression de la loi qui se règle à coup de punitions. En remontant le fil de ce lien brisé, Paul Gasnier a pu considérablement avancer.
C’est là aussi le sens de la justice restaurative. Ce témoignage montre qu’une attitude humaine et constructive est non seulement possible, mais aussi salutaire. Si l’auteur, directement touché par ce drame, est capable de prendre de la hauteur, nous aussi en sommes capables, à plus forte raison si nous nous revendiquons disciples du Christ.
« J’ÉTAIS EN PRISON ET VOUS ÊTES VENUS ME VOIR »
Jésus porte un regard bienveillant sur chaque personne et tend la main tout particulièrement aux personnes méprisées et rejetées. Nousmêmes, en tant que pécheurs, sommes au bénéfice de sa grâce et de son amour. Dieu aime ceux qui sont en prison, quels que soient leurs crimes ; de même qu’il nous aime, quels que soient nos péchés. J’aime le répéter, et souvent cela interroge : « Je ne me sens pas meilleur que ceux que je visite en prison » ; « Je rencontre des frères en Christ en prison. »
En Matthieu 25.35-46, Jésus nous appelle à suivre son exemple, à refléter concrètement son amour et sa grâce auprès des personnes dans le besoin, notamment celles qui sont détenues : « … j’étais en prison et vous êtes venus me voir (…) Je vous le déclare, c’est la vérité : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. »
On ne peut pas visiter quelqu’un qu’on méprise. On ne peut pas visiter quelqu’un qu’on ignore. À défaut de pouvoir visiter les personnes en détention, commençons par les considérer, porter un regard plus juste sur elles et les soutenir dans la prière. Un chemin de restauration est possible. Personne n’est irrécupérable ! Même si on doute parfois de cette affirmation et de l’efficacité des efforts fournis, persévérons par obéissance au Seigneur. La fidélité prime sur l’efficacité.

ROMAIN EHRISMANN
pasteur de l’Église de Châtenay-Malabry
aumônier de prison
POUR ALLER PLUS LOIN…
Sur l’aumônerie de prison : www.protestants.org/prisons
Sur la justice restaurative : Je verrai toujours vos visages, film de Jeanne Herry, 2023
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PLACE À L’ESSENTIEL !
Ce mois de novembre est un concentré des aspirations contradictoires qui tiraillent nos sociétés. Du 10 au 21 se tiendra la conférence de Belém sur les changements climatiques (ou COP 30), un événement qui nous alertera une fois encore sur l’urgence de mettre un frein à un mode de vie devenu insoutenable. Le 28, l’opération commerciale du Black Friday donnera le coup d’envoi de la frénésie commerciale qui accompagne désormais le temps de l’Avent. Si nous sommes conscients de la nécessité d’adopter un mode de vie plus respectueux de la création et plus centré sur l’essentiel, comment pouvons-nous nous mettre en chemin dans notre contexte ? Ces quelques pages sont là pour nous encourager à pratiquer le débroussaillage et l’art de la simplicité joyeuse !
SYLVIE KRÉMER
Des champs à débroussailler
Nos existences saturées de biens, de divertissements et de notifications en viennent à ressembler au
terrain épineux de la parabole du semeur. Au risque d’étouffer la Parole.
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ACHETER DE L’ENCOMBREMENT
À plusieurs reprises, le PDG de Netflix a expliqué que la principale concurrence pour son entreprise n’était pas les plateformes comme Amazon Prime, mais le sommeil de ses clients 1. S’abonner à Netflix, c’est acheter un service d’encombrement de notre temps. De manière générale, acheter, c’est encombrer son espace, son temps, son budget et ses pensées, en échange d’un service. Prises séparément, toutes ces choses ne sont pas nécessairement mauvaises. Elles peuvent même être très bonnes. Mais dans nos vies bien remplies, chaque ajout mérite d’être perçu comme un encombrement potentiel de notre espace, de notre temps, de notre budget et de nos pensées. À partir d’un certain niveau, il faut s’arrêter pour évaluer les dégâts causés par l’encombrement de nos vies.
DES POSSESSIONS ÉPINEUSES
Dans la parabole dite du semeur (Luc 8.4-21), Jésus décrit la Parole semée sur différents terrains, plus ou moins fertiles. Cette parabole est une mise en garde relative à la manière dont nous écoutons cette Parole et sur les conséquences que cela a sur les fruits qu’elle porte (ou ne porte pas). Les deuxième et troisième terrains décrivent des personnes qui accueillent positivement le message du Royaume, sans pour autant qu’il porte du fruit. Sur les rochers, les attaques sont frontales. Ce sont les détresses et les persécutions qui ont raison de la croissance des graines. Dans le dernier terrain, la menace vient au contraire de choses attrayantes : « Ce qui est tombé parmi les épines, ce sont ceux qui, après avoir entendu, sont étouffés en cours de route par les inquiétudes, les richesses et les plaisirs de la vie, et ne donnent pas de fruits mûrs 2 » (Luc 8.14).
« Les inquiétudes, les richesses et les plaisirs » ne sont pas à voir comme une liste de trois éléments indépendants, mais comme trois aspects de notre attachement à ce que notre monde a à nous offrir.
Les richesses sont le moyen d’obtenir ce que nous désirons, les inquiétudes sont la crainte de
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les perdre, ou de ne pas parvenir à les obtenir, et le plaisir est ce que nous attendons des choses que nous désirons. Autrement dit, les choses que nous désirons peuvent être bonnes, mais dans notre course pour obtenir ce que nous désirons, nous prenons le risque d’étouffer ce qui a vraiment de la valeur.
L’HEURE DE DÉBROUSSAILLAGE
Pour permettre à la Parole de porter de bons fruits dans nos vies, nous avons donc besoin d’évaluer ce qui, dans nos vies, ressemble à des épines et ce qui ressemble à du terreau. Très concrètement, je vous invite à faire l’inventaire de tout ce que vous avez, dans votre logement, dans votre agenda, dans votre téléphone, dans vos dépenses sur votre compte bancaire, et à vous poser les questions suivantes :
• Quelle place cela prend-il dans mon logement ? Dans mon emploi du temps ? Dans mon budget ? Dans mes inquiétudes ?
• Est-ce que cela m’aide à aimer Dieu et à aimer mon prochain ?
• Ou est-ce une distraction qui m’éloigne de l’essentiel ?
L’objectif n’est certainement pas de ne garder qu’une bible et de brûler tout le reste, mais de recréer de l’espace pour ce qui compte vraiment.
Pour reprendre l’exemple avec lequel nous avons commencé : est-ce que cela signifie qu’il faudrait bannir les plateformes de vidéo à la demande ? Pas forcément. Mais la question est plutôt : est-ce que je dépense tout mon temps libre devant Netflix, Amazon Prime ou Disney+ sans laisser de place aux choses qui comptent, à commencer par mon temps avec Dieu et avec mes proches ?
REVENIR À L’ESSENTIEL
Pour faire de la place à ce qui compte, nous devons nous attaquer à ce qui encombre nos vies. Comme le dit le pasteur John Mark Comer : « L’objectif n’est pas seulement de désencombrer votre placard ou votre garage, mais de désencombrer votre vie. De vous débarrasser de la myriade de distractions qui aggravent notre anxiété, nous abreuvent d’un flot incessant de bêtises abrutissantes et nous empêchent de nous concentrer sur l’essentiel 3. »
Faisons de la place pour aimer Dieu et notre prochain.

CLÉMENT BLANC
pasteur de l’Église évangélique
du Plateau de Saclay (91)
__________
1.https://www.entrepreneur.com/business-news/netflix-our-biggest-competitor-is-sleep/293004
2. Voir également Luc 21.34-36.
3. John Mark Comer, The ruthless elimination of hurry: how to stay emotionally healthy and spiritually alive in our current chaos, London, Hodder & Stoughton, 2019, page 181.
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La simplicité joyeuse
Répondant à l’appel de l’assemblée mennonite de Bourg-Bruche, Nadine et Wilfred Kreis ont quitté
Paris pour une vallée vosgienne, afin de reprendre une exploitation agricole et de rajeunir et renforcer
la communauté.
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J’ai grandi dans une famille aisée, qui aimait les belles choses et qui en avait les moyens. Mais je n’avais pas conscience d’être une privilégiée. Bien sûr, nous partions en vacances à chaque fois qu’il y avait des congés ! Mais au niveau vestimentaire, par exemple, nous portions des habits tout simples, souvent cousus par maman.
UNE FERME EN MONTAGNE
Quand mon mari et moi avons fait le choix de quitter Paris, nos boulots et nos deux salaires pour nous installer sur une vieille ferme de montagne où tout était à refaire, avec notre premier enfant, puis trois autres, il a fallu parer au plus pressé : plus question de belle déco, de confort superflu…
Nous portions les habits que mon beau-père nous apportait dans un carton avant de faire partir le reste pour la mission. Je peux dire que nous étions pauvres, par rapport à ce que j’avais connu.
J’avoue avoir pleuré quelquefois, par exemple après une rencontre de famille où j’avais vu les belles voitures de mes frères et soeurs, leurs enfants habillés tout de neuf et de beau… Et puis le travail à la ferme reprenait, et dans ce cadre tout à fait exceptionnel pour la citadine que j’étais, mon coeur se remplissait à nouveau de reconnaissance. Quel parcours inattendu nous avait amenés à cette ferme, dans cette si jolie vallée, et dans cette assemblée attentive à nos besoins et prompte à nous aider !
UN COEUR RECONNAISSANT ET UNE MAISON OUVERTE
Sans savoir la nommer, nous pratiquions tout simplement la sobriété joyeuse. Et c’est dans ce contexte de ressources financières réduites que nous avons fait les plus belles expériences de la provision divine. Je pense en particulier à tous les amis mennonites qui nous ont soutenus par leurs conseils, leur aide matérielle, financière ou leurs précieux coups de main. Sur le plan professionnel, Wilfred a toujours eu la sagesse de ne pas s’endetter pour acheter du matériel flambant neuf. Nous avons même pu accueillir des jeunes en difficulté et partager avec eux notre vie de famille, notre toit, notre travail, en toute simplicité.
Aujourd’hui, notre situation s’est grandement améliorée. Merci Seigneur d’avoir béni l’ouvrage de nos
mains et notre engagement dans la petite Église mennonite du village ! Nous avons gardé le goût des choses simples, nous n’avons qu’une vieille voiture, rien de bien luxueux, mais une grande maison qui reste ouverte à tous nos amis ! Avis à ceux qui cherchent un petit coin pour se poser et se reposer :
Vous êtes les bienvenus !

NADINE KREIS
Église de Bourg-Bruche
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Exercices pour une consommation consciencieuse
Que ce soit par un petit refrain au fond de votre cerveau ou un bombardement de publicité ciblée sur
votre navigateur web, la saison des achats de fin d’année se manifeste par de nombreuses influences
poussant à la surconsommation. Voici trois exercices pour se désencombrer des influences inutiles et
se recentrer sur l’important.
____________
Exercice 1 : Suis-je ce que je consomme ? Ou est-ce que je consomme selon qui je suis ?
Une des stratégies qui rend une publicité efficace est de créer une image du « moi idéal » qui représente
un écart avec le « moi réel ». Le sentiment de manque créé par cet écart nous rend plus réceptifs à la proposition d’un produit ou service pour combler ce déficit.
Méditer : Qui est-ce que je laisse former ma vision du « moi idéal » ? De la personne que j’aimerais devenir ?
Lister les valeurs auxquelles j’aspire.
Patienter au moins 24 heures pour réfléchir si un achat permet de respecter les valeurs de ma liste ou de progresser sur ces valeurs.
……………………………
Exercice 2 : Calculer le vrai prix
Au-delà du débit sur la carte bancaire, chaque marchandise a un coût environnemental et humain lié à sa production et aux déchets qui subsistent après son utilisation.
Méditer : Quelle importance est-ce que je donne au prix sur l’étiquette ? Au coût environnemental et humain ?
S’informer sur les origines du produit que j’envisage d’acheter, ainsi que sur qui en tire le plus gros profit.
Favoriser les circuits courts, les petites entreprises, le partage, la seconde main, les marques éthiques.
……………………………
Exercice 3 : Offrir sans compromis
Pour certains, les fêtes de Noël sont une occasion d’offrir des cadeaux aux proches.
Méditer : Quel est le message que je veux communiquer dans l’acte d’offrir un cadeau ?
Considérer ce qui fait du bien au destinataire, mais aussi aux personnes et aux lieux naturels qui sont
impactés par la production. Quelques idées pour m’inspirer : chercher sur des sites Internet de vente de seconde main, dans les brocantes, vide-greniers, offrir un objet qui m’appartient, composer une playlist ou un montage de photos, choisir une carte cadeau d’une oeuvre charitable.

ALINE NUSSBAUMER
Église d’Altkirch
A Rocha France
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Prière du retrouvé
Lorsqu’à l’encombrement succède la joie du contentement, on découvre qu’on cherchait hors de soi celui qui vient nous trouver au coeur de nous-mêmes. On pensait que toutes ces choses auxquelles on était attaché pouvaient nous conduire vers Dieu, mais en fait elles nous distrayaient, on s’arrêtait à elles sans voir le Créateur qui pourtant rendait leur existence possible. Saint Augustin a fait cette expérience avant nous, et nous a laissé dans les Confessions (10,27) cette magnifique prière à méditer. Émilie Jovanovic.
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Bien tard, je t’ai aimée,
ô beauté si ancienne
et si nouvelle, bien tard,
je t’ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans,
et moi au-dehors,
et c’est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses
que tu as faites,
pauvre disgracié,
je me ruais !
Tu étais avec moi
et je n’étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi,
ces choses qui pourtant,
si elles n’existaient pas en toi,
n’existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié
et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi
et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j’ai respiré
et haletant j’aspire à toi ;
j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ;
tu m’as touché
et je me suis enflammé
pour ta paix.
AUGUSTIN D’HIPPONE
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Un été pour rencontrer Dieu
Pendant les trois premières semaines d’août, 16 jeunes et leurs six encadrants sont partis au bout du
monde à la rencontre du Laos et de Dieu. Au programme de ce camp « Laostyle » : découverte de la mission en visitant les oeuvres locales, formation de disciples, sensibilisation à la solidarité internationale
et immersion dans la culture laotienne..
_____________________
Au cours de ces trois semaines au Laos, Dieu nous a proposé de le rencontrer en toute intimité. Il a parlé à chacun d’entre nous. Pas par des grands signes miraculeux, non. Il était dans la brise. On sentait sa présence à chaque instant, bienveillante et aimante. Là-bas, au pays du million d’éléphants, nous avons
découvert de nouvelles facettes de ce Dieu qui ne cesse de nous surprendre. Il nous a enseigné à lâcher
prise pour découvrir l’inconnu, à nous ouvrir à l’autre et à lui tendre la main.
DES TEMPS FORTS DE LOUANGE ET DE COMMUNION
Nous avons vécu un moment particulièrement fort lors d’une visite au centre de réhabilitation pour anciens drogués, oeuvre mise en place par Mark et Carole Berry. Accueillis par des chants de louange en lao, nous avons joint nos voix aux leurs pour louer notre Dieu. Pris d’émotion en regardant autour de nous, nous pouvions observer ces coeurs en communion tournés vers le Roi des rois. Ces mains tendues vers lui et ces langues, anglaise, française, lao, qui s’entremêlaient en harmonie pour offrir une adoration sincère à notre Père. Séparés par la culture et la langue, mais unis par un amour ardent pour notre Dieu. Nous avons constaté la puissance de la famille en Christ et expérimenté un amour qui fait tomber toutes les barrières et nous enveloppe de sa paix.

UNE FERVEUR ET UN ENGAGEMENT RENOUVELÉS
Nous sommes tous rentrés en France avec quelque chose que Dieu avait déposé dans nos coeurs. Il désirait
ardemment la présence de chacun à ce camp et il savait parfaitement comment toucher nos coeurs. Forts de ce que nous avons vécu en communauté, ainsi que des enseignements sur le discipulat, nous retournons dans nos quotidiens avec ferveur. Nous voulons partager cet amour qui déborde de nos coeurs et cette bonne nouvelle qui rayonne dans nos vies. La mission, pour nous, commence déjà ici et maintenant, là où Dieu nous a placés. Et nous voulons le servir de tout notre coeur, ici et maintenant.
À lui soit toute la gloire !

ESTER BIEBER
Église évangélique
de Vandoeuvre-lès-Nancy
(voir aussi page 26)
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L’Évangile chez nous, l’Évangile chez vous
Venu des États-Unis avec sa famille en août 2024 pour prendre la direction du Centre Mennonite de
Paris (CMP), Ben Woodward-Breckbill revient sur leur première année comme envoyés en France.
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Il y a un an, ma famille et moi sommes arrivés en France en tant que nouveaux directeurs du Centre Mennonite de Paris. Durant ce temps, nous avons été chaleureusement accueillis parmi vous, les mennonites de France, alors que nous devenions responsables d’une maison d’accueil. Nous avons vu la vie
de l’Esprit saint et la passion pour l’Évangile parmi vous, tandis que nous sommes censés témoigner de
ces mêmes réalités. Quand on écoute les récits de missionnaires, c’est toujours pareil : l’action de Dieu
dans la culture des hôtes est première, et la sagesse, le zèle et les efforts du missionnaire sont seconds. Dans cet esprit, j’expose ici quelques réflexions sur notre rôle en France, et comment nous appréhendons notre nouveau contexte.
« PAR AMOUR FRATERNEL,
SOYEZ PLEINS D’AFFECTION
LES UNS POUR LES AUTRES ;
PAR HONNEUR, USEZ DE
PRÉVENANCES RÉCIPROQUES.
AYEZ DU ZÈLE, ET NON DE LA
PARESSE. SOYEZ FERVENTS
D’ESPRIT. SERVEZ LE SEIGNEUR.
RÉJOUISSEZ-VOUS EN
ESPÉRANCE. SOYEZ PATIENTS
DANS L’AFFLICTION. PERSÉVÉREZ
DANS LA PRIÈRE. POURVOYEZ
AUX BESOINS DES SAINTS.
EXERCEZ L’HOSPITALITÉ ».
ROMAINS 12.10-13
UN APPEL POUR LA MISSION
Qui sommes-nous ? Cette question a déjà été abordée dans ce magazine 1, mais en quelques mots : nous sommes Ben et Laurel Woodward-Breckbill, avec nos enfants Auden (6 ans) et Ludo (4 ans). Avant de venir en France, nous habitions à Newton, Kansas, États-Unis, où j’étais pasteur de l’Église mennonite Shalom tandis que Laurel avait des engagements variés dans la justice restaurative et la réconciliation. Depuis notre mariage, nous cherchions l’occasion de servir l’Église mondiale, plutôt en milieu francophone. Quand Mennonite Mission Network nous a approchés pour explorer cette possibilité de mission, et quand le Conseil du CMP nous a confié la direction du centre, c’était une réponse à nos prières. « Un chemin s’est ouvert où il n’y en avait pas », et nous nous réjouissons d’être parmi vous.
UNE MAISON OUVERTE À L’ÉGLISE ET AU MONDE
Que faisons-nous ? Nos activités sont variées, et je vous en présente trois aspects. D’abord, au quotidien, le centre est une maison d’accueil pour l’Église. Depuis notre arrivée, nous avons accueilli des dizaines d’invités du monde entier, venus à Paris pour leur travail pour l’Église. Ils sont professeurs, missionnaires, pasteurs, éditeurs, auteurs, administrateurs, groupes de jeunes, délégués de la Conférence Mennonite Mondiale, et simplement des amis d’amis dans notre réseau du bouche-à-oreille.
Nous essayons de maintenir une maison accueillante et chaleureuse, avec nos trois chambres d’amis, une bibliothèque et un beau jardin. Nous trouvons qu’une telle maison est un vrai service pour l’Église et une opportunité de voir le monde se croiser dans notre coin de Paris. Nous attendons votre visite – si vous avez besoin d’un logement pour une ou quelques nuits à Paris, n’hésitez pas à nous contacter !
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1. Christ Seul n°1162, avril 2025, p. 25.
CHRIST SEUL – Novembre 2025 – N°1168
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Un groupe d’étudiants de l’Institut biblique de Nogent venu visiter le CMP
CHEMINER AVEC LES ÉGLISES DE FRANCE
Quoi d’autre ? Nous nous connectons avec l’Église française. Je participe au comité de pilotage du pôle Doctrine et Théologie de l’AEEMF et à la Commission de Réflexion pour la Paix – pour mettre ma formation et mes intérêts académiques au service de l’Église. Je viens de profiter de la journée inter-Églises de Lorraine, une super journée de louange et d’enseignement, en faisant connaissance avec la communauté des Églises. Je planifie aussi des visites aux assemblées mennonites dans l’année à venir – si vous êtes intéressés, contactez-moi ! Les prédications, les échanges ou enseignements, et des publications comme celle-ci sont des occasions d’apprendre mutuellement ce que Dieu fait parmi vous, dans l’Église, en dehors de l’Église et à travers notre tradition mennonite !
DES LIENS AU-DELÀ DES FRONTIÈRES
En plus de cela, pendant que des visiteurs viennent à Paris et que nous nous enracinons en France, nous avons des connexions avec le monde ailleurs. Nous sommes membres de Church and Peace, un réseau oecuménique pour la paix, du Réseau mennonite de mission des États-Unis, du Réseau mennonite francophone et de la Conférence Mennonite Mondiale, pour participer à la vie du corps international du Christ.
C’est avec grand plaisir que nous vivons parmi vous, au service de Dieu et de son Évangile. Nous avons profité de votre hospitalité et en même temps nous essayons d’« être lumière » en tant qu’hôtes de notre maison. La vie des disciples de Jésus, à travers les siècles et le monde, est animée par l’Esprit et fondée sur des relations de bienveillance et d’amour. Quel privilège d’y participer au Centre Mennonite de Paris !

BEN WOODWARD-BRECKBILL
FAIRE UN DON A MISSION MENNONITE
CHRIST SEUL – Novembre 2025 – N°1168
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Le temps dont nous avons besoin
La petite île de Malte ne figurait pas au programme des voyages missionnaires de l’apôtre Paul. Une tempête en a décidé autrement.
« Pendant plusieurs jours, on ne voyait plus ni le soleil ni les étoiles. La tempête continuait de faire rage et nous finissions par perdre tout espoir d’en sortir sains et saufs. Il y avait longtemps qu’on n’avait plus rien mangé. Alors Paul, debout au milieu d’eux, leur a dit : Mes amis, vous auriez mieux fait de m’écouter et de ne pas quitter la Crète. Vous auriez évité tous ces dégâts et toutes ces pertes. Mais maintenant, je vous invite à reprendre courage, car aucun de vous n’y perdra la vie ; seul le bateau sera perdu. En effet, cette nuit, un ange du Dieu à qui j’appartiens et que je sers, s’est présenté devant moi et m’a dit : « Paul, ne crains rien ! Il faut que tu comparaisses devant l’empereur, et Dieu t’accorde la vie sauve pour tous tes compagnons de voyage. » Courage donc, mes amis ! J’ai confiance en Dieu : tout se passera comme il me l’a dit. Nous devons échouer quelque part sur une île (…) Une fois hors de danger, nous avons appris que notre île s’appelait Malte. Les habitants, qui ne parlaient pas le grec, nous ont témoigné une bienveillance peu ordinaire. Ils ont allumé un grand feu et nous ont tous accueillis à sa chaleur, car il s’était mis à pleuvoir et il faisait froid. Paul avait ramassé une brassée de bois sec et il allait la jeter dans le feu quand la chaleur en a fait sortir une vipère qui s’est accrochée à sa main (…) Après cela, tous les autres malades de l’île venaient le voir et ils étaient guéris, eux aussi. Cela nous a valu toutes sortes de marques d’honneur et, quand est venu le moment de reprendre la mer, on a pourvu à tous les besoins de notre voyage. » Actes 27.20 – 28.10
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Après en avoir appelé à l’empereur, Paul, prisonnier, est conduit sous bonne garde vers Rome pour y être jugé. Si le début du voyage se déroule sans encombre, l’approche de l’hiver rend la navigation difficile et périlleuse. Paul avertit l’officier du risque encouru pour les marchandises et leurs propres vies si le périple devait se poursuivre, mais la décision est prise : le voyage continue.
NOUS DEVONS ÉCHOUER QUELQUE PART
L’eau passe alors du statut d’alliée permettant la navigation à celui d’ennemie. Les vagues et la pluie mettent en péril l’embarcation, les marchandises et les passagers. L’entêtement du pilote et de l’officier conduit au naufrage. Naufrage économique : les provisions sont jetées à la mer et le bateau, échoué, se disloque. Naufrage humain : le projet échoue. Mais Dieu l’a promis : les passagers sont sauvés.
Paul désirait ce voyage, il avait la prudence de ne pas voyager en mauvaise saison, mais il est soumis aux décisions de l’officier, du pilote. Dieu a modifié le projet initial. Les naufragés, au nombre de 276, sont accueillis par les habitants de l’île de Malte qui leur allument un feu.
SEUL LE BATEAU SERA PERDU
Malgré la pluie, le froid, malgré le naufrage, Paul demeure au service de ses compagnons : la Bible nous dit qu’il ramasse une brassée de bois pour entretenir le feu. Première leçon, plus importante que le miracle de la morsure de vipère : Paul reste en mission, au service, faisant fi des circonstances. Pour lui, ce naufrage est l’occasion de témoigner de la puissance de Dieu : par son assurance lors du naufrage, son immunité à la morsure de la vipère et par les nombreuses guérisons accordées sur l’île de Malte. Tous ces signes sont donnés pour appuyer le message de l’Évangile.
De retour de camp scout dans les Vosges saônoises cet été, je pourrais faire miens ces quelques mots d’Actes 27.20 : pendant plusieurs jours, on ne voyait plus ni le soleil ni les étoiles. La pluie faisait rage et nous finissions par perdre tout espoir d’en sortir secs. Lors de ce camp, nous avons aussi invité les jeunes à ne pas perdre courage : aucun d’eux n’allait y perdre la vie, seuls les vêtements secs seraient perdus. Un chef scout m’a confié cette réflexion : « Je ne prie plus pour avoir du beau temps, mais pour bénéficier du temps dont nous avons besoin. » Dans nos circonstances de vie, notre premier réflexe est souvent de prier pour obtenir ce que nous voulons, ce que nous désirons. Et quoi de plus légitime que de demander à notre Père du beau temps pour un camp sous tentes ?
TOUS VENAIENT LE VOIR ET ILS ÉTAIENT GUÉRIS
Le véritable naufrage d’un projet serait un naufrage spirituel : organiser un projet, un voyage, un camp – que sais-je – en passant à côté de la soif spirituelle de ceux qui nous entourent. Paul aurait pu naviguer sans encombre, en évitant l’île de Malte. Pour lui, une version plus positive, sans naufrage. Mais pour les habitants de Malte, ce scénario aurait signifié ne jamais entendre la Bonne Nouvelle.
Dans ce passage, l’eau illustre les circonstances : tantôt une mer propice au voyage, tantôt une tempête qui bouleverse les plans. Quelles que soient les circonstances, Dieu place sur nos chemins des opportunités de témoigner quand nous savons rester des serviteurs en mission. Parfois la bénédiction venue du ciel prend une forme redoutée plutôt qu’espérée. L’Éternel a accordé à Paul, comme à notre camp, non ce que nous voulions, mais ce dont nous avions besoin.
Quand les circonstances deviennent difficiles, quand le naufrage approche, je peux demander à mon Père, avec confiance, qu’il m’accorde non pas ce que je veux, mais ce dont j’ai besoin.

OLIVIER LUGBULL
Église de la Prairie, Montbéliard, ancien
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IX. LE MARTYRE, TÉMOIGNAGE CHRISTIQUE DANS UN MONDE PÉCHEUR
Les récits de martyres, qui ont profondément marqué la mémoire mennonite, rappellent que la fidélité au Christ peut conduire à la souffrance et à la mort.
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Le Miroir des Martyrs fut, après la Bible, l’un des livres les plus présents dans les familles mennonites. Ce gros ouvrage, relatant les souffrances et la mort de près de 500 anabaptistes, montre à quel point le souvenir des martyrs a habité la tradition mennonite. Ce livre ne traduit pas seulement le désir de conserver la mémoire de héros de la foi. Les martyrs, en ayant suivi « le chemin des prophètes et des apôtres », rappelaient les conséquences douloureuses de la vie nouvelle en Christ.
LA MARQUE DE L’ÉGLISE VÉRITABLE
Pour les premiers anabaptistes, « les vrais et fidèles chrétiens sont des brebis au milieu des loups, des brebis pour la boucherie » (Conrad Grebel : †1526). La souffrance est une marque de l’Église. Menno Simons (v.1496-1561) écrivait à ses frères persécutés que « marcher sur le juste chemin de la vie éternelle peut nécessiter de porter la lourde croix de la pauvreté, de la misère, du mépris, de l’angoisse, du malheur, pour suivre ainsi le Christ crucifié, rejeté, proscrit, torturé ». Avec le baptême d’eau, le croyant accepte aussi « le baptême de sang dans le martyre », il entre en conflit avec le monde, qui « hait la lumière et aime les ténèbres » (Balthasar Hubmaier : †1528). Les tribulations sont « le véritable sceau des saints enfants de Dieu » (Jacob Hutter : †1536).
SUIVRE LE CHRIST JUSQUE DANS LA PERSÉCUTION
Le Fils de Dieu a été rejeté par les hommes. Ses disciples partageront le même sort : « Vous serez haïs de tous à cause de mon nom » (Lc 21.17) ; « s’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi » (Jn 15.20). Suivre Jésus implique d’être « conformé à lui dans sa mort » (Ph 3.10). « Nous devons porter la croix du Christ » (Hans Hut : †1527). Un martyr revit dans sa chair la passion de son Sauveur : « La couronne d’épines percera votre front, les clous traverseront vos mains et vos pieds » (M. Simons). Dans leur martyre, les disciples de Jésus, sans défense, partagent sa lutte contre le Mal et son abandon entre les mains du Père.
LA VICTOIRE DE LA RÉSURRECTION
Le salut trouvait son expression dans l’épreuve de la foi, la communion au Christ, la participation à son combat, l’anticipation de son règne. La souffrance n’ajoutait rien au sacrifice parfait du Sauveur, mais elle l’incarnait. Menno Simons estimait que « le Christ est mis à mort en ses élus ». Ils devenaient témoins (sens du mot martyrs) de sa croix mais aussi de sa résurrection : habités par son Esprit, ils renonçaient à eux-mêmes, pardonnaient à leurs ennemis et partaient dans l’espérance. Les martyrs anabaptistes se savaient victorieux : en mourant avec le Christ, ils avaient la certitude de ressusciter avec lui (cf. Rm 6.8).

FRANÇOIS CAUDWELL
pasteur, Cuisery (71)
TOUS CEUX QUI
VEULENT VIVRE
AVEC PIÉTÉ DANS LE
CHRIST JÉSUS SERONT
PERSÉCUTÉS”
2 T I M O T H É E 3 .1 2
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« Toi qui es lumière »
À l’approche de l’Avent et de Noël, ce chant nous invite à nous ouvrir à la venue du Christ comme lumière dans nos vies.
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Le temps de l’Avent, qui débute cette année le 30 novembre, contraste fortement avec le Black Friday, événement emblématique du consumérisme, qui le précède de deux jours. Plutôt que de céder à la frénésie de la consommation, l’Avent nous invite à un temps d’attente et de préparation, pour nous plonger dans la réalité de Dieu qui vient dans notre monde pour partager nos peines et apporter la lumière de sa rédemption à toute la création. L’arrivée d’un bébé dans une mangeoire nous renvoie à une histoire plus grande, celle de l’Incarnation, de la Rédemption et de l’Espérance.
VIENS SUR NOTRE TERRE
Bien que nous préparions la célébration de la venue du Christ dans le passé, et professions notre foi dans son retour, on peut ajouter une troisième dimension : celle de sa venue à notre rencontre dans l’ici et maintenant. Dans son amour, Dieu choisit d’entrer dans notre expérience, de marcher à nos côtés et d’éclairer nos ténèbres, comme en témoigne le chant Toi qui es lumière.
Ce chant réaffirme notre foi en qui est le Seigneur et en ce qu’il peut faire. Il nous replonge dans la théologie de Jean, qui présente le Christ comme « la vraie lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde » (Jn 1.9). Ses paroles décrivent de façon réaliste le caractère de lutte que comporte la vie actuelle dans l’attente du retour du Christ. Ceci sous-entend la coexistence du bien et du mal et le combat entre eux dans nos vies et dans ce monde. Le Christ est reconnu comme la réponse et la lumière dans ces ténèbres.
VIENS OUVRIR NOS COEURS
Ce chant est une prière collective de demande qui convient au temps spécifique de l’Avent. Il met en évidence notre besoin de cette lumière. Il demande explicitement et implicitement de l’aide pour faire face aux souffrances, à la lâcheté et au désespoir dans ce monde de ténèbres.
Que l’attente du Seigneur, la lumière du monde, pendant la saison de l’Avent, et sa venue à Noël nous encouragent à garder notre espérance bien vivante dans le moment présent. Que nous puissions continuer de demander de l’aide en chantant à lui qui est lumière du monde, en demandant que sa lumière et son amour restent une dimension incontournable de notre espérance et de notre foi, et nous aident à être témoins dans ce monde rempli de souffrances et de ténèbres.

JANIE BLOUGH
Église de Châtenay-Malabry
Toi qui es lumière
Toi qui es lumière, toi qui es l’amour,
Mets dans nos ténèbres ton esprit d’amour.
1. Viens sur notre terre, viens ouvrir nos coeurs,
Toi qui nous libères et nous rends meilleurs.
2. Le monde se traîne et vit dans la nuit.
Au coeur de nos peines, vienne ton Esprit !
3. Vois notre souffrance et nos lâchetés.
Donne l’espérance aux coeurs fatigués.
4. Toi qui nous appelles à vivre avec toi,
Une vie nouvelle fleurie de ta joie.
5. Que, dans ton attente, nous vivions en paix,
Et que nos coeurs chantent la vie retrouvée !
Raymond Fau
Alléluia 31-28 – Arc-en-Ciel 318
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